CHAPITRE XIII

— Lieutenant Solo au rapport, colonel, annonça Jaina, au garde-à-vous devant la cabine du colonel Darklighter, à bord du Ralroost.

Elle ignorait pourquoi son supérieur l’avait fait appeler, mais elle se réjouissait d’avoir l’occasion de lui parler. Elle était encore perturbée par l’« incident » de la semaine précédente.

Quand j’ai cru que Jacen était mort…

— Entrez, Jaina. Asseyez-vous.

Sur la table, devant lui, étaient disposés un databloc, plusieurs cartes de données et un petit holocube où défilaient en boucle des photos de sa famille.

Le colonel était encore jeune, mais ses cheveux commençaient à grisonner sur les tempes. Il avait pris le commandement de l’Escadron Rogue après le traité de paix avec les Vestiges. Les douze ans qu’il avait passés avant dans l’escadron l’avaient marqué.

Aux yeux de Jaina, il était une légende.

— Jaina, j’aurais dû vous en parler plus tôt. Ce qui s’est passé à Garqi était malheureux, mais nécessaire. Nous ne pouvions laisser personne savoir que le Dernier Espoir était censé s’écraser.

— Même si j’avais su, je n’aurais rien pu vous dire. La décision de garder le secret venait de nos supérieurs. J’aurais été obligé de respecter les consignes de sécurité.

Jaina sursauta. Elle avait pensé que Darklighter, s’il avait su la vérité, lui en aurait fait part.

Mais ce n’était pas le cas. Il se serait tu, quelle que soit la personne impliquée.

Jaina s’était attendue à un traitement de faveur, parce qu’elle était une Jedi, et qu’il s’agissait de son frère.

Son attitude était presque aussi arrogante que celle de Kyp Durron et de sa clique !

Les Jedi ont des pouvoirs extraordinaires, mais ça ne nous rend pas plus dignes d’attention que les autres. Tant que je vole avec l’Escadron Rogue, je suis pilote d’abord, Jedi ensuite.

— Jaina, quand j’ai intégré l’escadron, j’avais votre âge. Et un fardeau à assumer : Biggs Darklighter était mon cousin. La réputation des Darklighter reposait désormais sur moi. Comme vous, j’étais assez jeune pour me croire capable de tout. J’ai eu la chance que l’escadron m’accueille en son sein. Ça m’a permis de défendre l’honneur de la famille.

« Vous avez un fardeau plus lourd encore… Mes parents étaient des inconnus, alors que les vôtres ont sauvé la galaxie et continuent à la servir. Ils se sont fait beaucoup d’ennemis, et vous êtes assez intelligente pour vous douter qu’ils se sont attaqués à l’image publique de votre mère et à celle des Jedi dès qu’elle a quitté le pouvoir.

— Certains me prennent pour une gamine jedi gâtée. Et je travaille dur à leur prouver le contraire, c’est vrai.

— Je le sais. Les membres de l’escadron sont contents de vous avoir. Mais d’autres, sur ce vaisseau, et dans l’armée, n’en sont pas aussi ravis. Notre décision était en partie motivée par le désir de montrer que nous ne faisions pas de favoritisme. Tout le monde à bord sait ce que vous avez éprouvé quand le Dernier Espoir a explosé, et nul n’aurait aimé être à votre place. Quand les gens ont appris que nos supérieurs ne vous avaient rien dit, ils ont compris que nous avons plus en commun avec eux qu’ils l’imaginaient. Et que le problème des Yuuzhan Vong est assez grave pour que la Nouvelle République ne favorise personne : ni l’Escadron Rogue, ni les Jedi, ni les Solo.

La jeune pilote se massa le front. L’explication était sensée.

— Colonel. Je me sens… remise à ma place… Et j’ai l’impression que j’en avais besoin.

— Pas autant que certains le pensent ! dit Darklighter en riant de bon cœur. Vous n’êtes pas la seule pilote de cet escadron à avoir eu le caquet rabattu. De plus, souvenez-vous que nous avons tous été traités de la même façon. Nous sommes le meilleur groupe de la flotte, mais nos camarades savent désormais que ça n’implique pas de traitement de faveur.

« Autre chose : depuis que j’ai rejoint l’escadron, j’ai vu beaucoup de gens mourir, des amis très proches de moi… L’amiral Kre’fey nous a rappelé qu’aucun de nous n’est immunisé contre la mort. On nous demandera peut-être des sacrifices déchirants. Si nous pensions être invulnérables, nous nous conduirions comme des imbéciles. Et les imbéciles se font souvent tuer, en entraînant leurs amis dans la tombe.

— Oui, monsieur. Je comprends.

Du cockpit de son aile X, dans le hangar de décollage inférieur, Gavin ne vit pas le croiseur d’assaut bothan revenir dans l’espace normal. Mais dès que ses détecteurs entrèrent en fonction, ils transmirent des flots de données sur Sernpidal, à l’ordinateur de Gavin.

Le contrôle lui donna le feu vert pour décoller. Gavin activa ses bobines de répulseurs et quitta le vaisseau, cap sur le point de rendez-vous.

— Ralroost, ici Rogue Leader. Rien d’inquiétant pour le moment.

— Bien reçu, Leader. Commencez la mission.

Gavin consulta de nouveau ses moniteurs et détecta des coraux skippers à la limite du système. Ils étaient à quatre heures du Ralroost.

D’ici là, il sera parti depuis longtemps.

L’amiral Kre’fey était d’accord avec lui sur un point : l’écrasement de la lune de Sernpidal n’était pas un acte de terrorisme. Les ressources mises en jeu impliquaient un espoir de gain, puisque Sernpidal n’était pas une menace pour les Yuuzhan Vong et qu’ils auraient pu l’utiliser comme Dubrillion.

Envoyer une équipe découvrir ce qui s’y tramait était de la première importance.

Normalement, une mission de reconnaissance aurait gagné la limite du système puis envoyé des droïds sondes pour en apprendre le plus possible. Kre’fey avait supposé que les Yuuzhan Vong placeraient des défenses aux limites du système pour déjouer cette stratégie. Les astronavigateurs de l’amiral avaient étudié comment la destruction partielle de la planète modifiait les forces gravitationnelles. Ils avaient repéré un point où un vaisseau pouvait entrer et sortir, mais qui serait difficilement accessible aux Yuuzhan Vong.

Il fit pivoter son chasseur, l’orientant sur le labyrinthe créé par les débris venus de Sernpidal. La chute de la lune avait démoli la planète – sans la pulvériser comme l’Etoile Noire avec Alderaan…

Gavin avait traversé le Cimetière d’Alderaan ; les débris étaient plus petits que les vestiges de Sernpidal.

Il vit flotter dans l’espace de grands blocs où se dessinait encore la ligne de côte… Il était sûr qu’en approchant, il aurait vu les ruines des villes du littoral.

Il se félicita de ne pas en avoir besoin…

Mon boulot est de franchir l’écran de débris et de voir ce qui se passe sur la planète. S’il s’y passe quelque chose…

Les coraux skippers postés aux limites du système suggéraient que les Yuuzhan Vong souhaitaient protéger quelque chose. Quoi… ?

Gavin en aurait bientôt le cœur net.

Quand son aile X émergea de l’autre côté de l’écran de débris, il sentit sa bouche se dessécher.

— Par les os noirs de l’Empereur !

A la surface de ce qui restait de Sernpidal, du côté éclairé, il y avait des sortes… d’escargots !

En bien plus grand.

Assez pour abriter un vol d’ailes X !

Gavin vit le sillon que les créatures avaient tracé sur le roc, comme si elles le dévoraient au passage… Derrière les « escargots » venaient d’innombrables créatures similaires mais plus petites qui semblaient suivre des veines de minerai mises au jour par leurs prédécesseurs.

Gavin pensa à un plexus solaire.

Ils fabriquent un vaisseau. Un immense vaisseau.

Il consulta son télémètre. Il était à quarante kilomètres de la structure.

Ça signifie qu’elle sera aussi grande qu’une Etoile Noire.

— Leader, que devons-nous faire ? demanda le major Varth.

Gavin comprit que la puissance de feu de son escadron ne servirait de rien contre la colossale structure.